Une des problématiques les plus courantes dans le cadre des relations locateurs-locataires sont les plaintes que peuvent faire les locataires relativement au fait qu’ils sont troublés dans leur jouissance paisible des lieux par le bruit fait par leurs voisins, le va-et-vient continuel dans l’immeuble, etc. Dans une telle situation, quelles sont les obligations de chacun?
Le locateur, conformément à l’article 1854 C.c.Q., doit garantir la jouissance paisible des lieux à ses locataires.
« 1854. Le locateur est tenu de délivrer au locataire le bien loué en bon état de réparation de toute espèce et de lui en procurer la jouissance paisible pendant toute la durée du bail.
Il est aussi tenu de garantir au locataire que le bien peut servir à l’usage pour lequel il est loué, et de l’entretenir à cette fin pendant toute la durée du bail. »
Le locataire qui prétend ne pas avoir la jouissance paisible des lieux pourra, après avoir mis en demeure le locateur de régler la situation, exercer un recours contre ce dernier en diminution de loyer et/ou dommages.
Si le locataire est troublé par un tiers qui n’est pas locataire et qui échappe au contrôle du locateur, le locataire conserve son recours en diminution de loyer contre le locateur mais ce dernier ne peut être responsable des dommages causés au locataire, le tout conformément à l’article 1859 C.c.Q. qui stipule ce qui suit :
« Le locateur n’est pas tenu de réparer le préjudice qui résulte du trouble de fait qu’un tiers apporte à la jouissance du bien; il peut l’être lorsque le tiers est aussi locataire de ce bien ou est une personne à laquelle le locataire permet l’usage ou l’accès à celui-ci.
Toutefois, si la jouissance du bien en est diminuée, le locataire conserve ses autres recours contre le locateur. »
Le régisseur rappelle que l’obligation de fournir la jouissance paisible des lieux prévue à l’article 1854 en est une de résultat. Il suffit donc de constater le trouble ou le dommage subi par le locataire afin que la responsabilité du locateur soit présumée. Afin de s’en dégager, le propriétaire devra prouver, par prépondérance de preuve (50% + 1), une force majeure ou le fait de la victime.
À titre d’exemple, dans les causes Marie-Marthe Jean et als. c. 9059-0357 Québec Inc.(1), trois locataires ont obtenu une diminution de loyer de 35% en raison du trouble causé par un autre locataire qui s’adonnait au trafic de drogue dans les lieux qu’il louait et qui faisait preuve d’agressivité à leur endroit. Dans ces dossiers, le locateur avait inscrit une demande de résiliation de bail contre le locataire fautif, mais en des termes très généraux et en n’insistant pas, à aucun moment, sur le caractère urgent de sa demande de sorte que le locataire troublant la jouissance paisible des lieux a déménagé avant que le locateur ait une date d’audience pour sa demande.
Cependant étant donné que le locateur avait agi avec prudence et diligence en déposant une demande de résiliation de bail contre le locataire fautif, le locateur n’a été condamné à aucun dommage, et ce, selon l’application de l’article 1861 qui stipule ce qui suit :
«Le locataire, troublé par un autre locataire ou par les personnes auxquelles ce dernier permet l’usage du bien ou l’accès à celui-ci, peut obtenir, suivant les circonstances, une diminution de loyer ou la résiliation du bail, s’il a dénoncé au locateur commun le trouble et que celui-ci persiste.
Il peut aussi obtenir des dommages-intérêts du locateur commun, à moins que celui-ci ne prouve qu’il a agi avec prudence et diligence; le locateur peut s’adresser au locataire fautif, afin d’être indemnisé pour le préjudice qu’il a subi.»
Conformément à l’article 1860 du Code civil du Québec, le locataire et les personnes à qui il permet l’usage du bien ou son accès « ne doivent pas troubler la jouissance normale des autres locataires. »
Lorsque le locateur vient à la conclusion qu’un locataire ne respecte pas son obligation de ne pas troubler la jouissance paisible des autres locataires, après l’avoir mis en demeure de cesser de ce faire, il peut demander la résiliation du bail dudit locataire.
Pour ce faire, conformément à la cause Lacasse c. Picard (2) :
« […] les locateurs doivent établir que les locataires ou une personne dont ils sont responsables ou à qui ils permettent l’accès au logement a eu, au cours d’une certaine période, des comportements et des attitudes qui par leurs répétitions et insistances agacent, excèdent ou importunent gravement les autres locataires du même immeuble, troublant ainsi la jouissance normale des lieux à laquelle ils ont droit. »
Le tribunal devra analyser le comportement du locataire sur des critères objectifs et chercher à déterminer si les locataires plaignants ou le propriétaire habitant l’immeuble vivent une situation qui constitue une atteinte grave, excessive ou déraisonnable justifiant la résiliation du bail considérant que chacun doit subir les bruits normaux inhérents à la vie quotidienne.
Chaque cas est un cas d’espèce et devra être analysé selon ses faits propres.
Le locateur instituant une demande en résiliation de bail a le fardeau de preuve de sorte qu’il devra prouver, selon la prépondérance des probabilités, l’atteinte grave à ses droits(3).
(1) (R.L.) 31 060313 020 G, 31 060313 021 G et 31 060314 011 G, le 26 mai 2009
(2) R.L. Québec, 18-890911-014 G, r. Me Gérald Bernard
(3) Voir également notre chronique Bruit : normal ou anormal