Projet de loi 31 et moratoire (nouvelles dispositions relatives au droit du logement)

Projet de loi 31 et moratoire (nouvelles dispositions relatives au droit du logement)

 

 

Le projet de loi 31 est entré en vigueur le 21 février 2024. Il a ainsi modifié plusieurs lois existantes dans le domaine de l’habitation. Qu’est-ce qui change pour les propriétaires et locataires de logements résidentiels?

 

Cession de bail

L’article qui a fait le plus couler d’encre et qui est sans doute le plus controversé concerne la cession de bail. Selon l’ancien article de loi, un propriétaire ne pouvait refuser un candidat à une cession de bail que pour un motif sérieux. On entend par motif sérieux une impossibilité par le candidat de rencontrer les obligations du bail (soit financier, soit par son comportement passé)[1]. Si le propriétaire refusait la cession, le locataire pouvait contester le refus en faisant une demande au Tribunal administratif du logement. Le juge administratif décidait alors si le motif de refus était valide ou non. Dans le cas où le motif n’était pas sérieux, la décision confirmait l’acceptation de la cession.

 

Désormais, le locateur a une option supplémentaire. Il peut refuser la cession, même en l’absence de motifs sérieux, mais devra alors libérer le locataire de son bail. Nous comprenons de l’article de loi que dans le cas où un refus est basé sur un motif sérieux, le locateur peut refuser sans libérer le locataire du bail et les mêmes principes qu’avant s’appliqueront.

 

De plus, il est désormais interdit de céder son bail en échange d’une compensation monétaire.

 

Cette modification s’applique pour tous les avis de cession transmis le ou après le 21 février 2024.

 

Sous-location

Le locataire qui sous-loue son bail ne peut désormais pas le faire pour un montant supérieur au loyer. En effet, cela arrivait parfois que les locataires sous-louaient et faisaient un profit de cette façon. Le nouvel article de loi vient mettre fin à cette pratique.

 

Selon l’ancienne loi, lorsqu’un locataire sous-louait son logement pendant plus de 12 mois[2], le locateur pouvait éviter la reconduction du bail en faisant parvenir au locataire, dans le même délai qu’un avis de modification du bail, un avis de non-renouvellement. Le locataire avait alors un mois de la réception de l’avis pour ouvrir une demande en opposition au TAL, à défaut, il était présumé avoir accepté de quitter.

 

Selon la nouvelle loi, le locataire a un mois pour répondre par écrit au locateur et, s’il omet de le faire, il est réputé avoir refusé l’avis. Le locateur a alors un mois de la réponse (ou, si le locataire ne répond pas, de la fin du délai de réponse) pour ouvrir une demande au TAL et faire valider son avis. Si le locateur n’ouvre pas de dossier dans les délais requis, le bail se poursuivra.

 

De cette façon, le législateur place la responsabilité d’ouvrir la demande sur les épaules du propriétaire.

 

Cette modification s’applique pour tous les avis de non-renouvellement transmis le ou après le 21 février 2024.

 

Évictions (agrandissement, subdivision et changement d’affectation)

La nouvelle loi est venue encadrer davantage les évictions pour cause d’agrandissement, subdivision et changement d’affectation, et ce, afin d’éviter les abus. Avant, un locateur devait envoyer son avis dans les délais et le locataire avait un mois pour introduire une demande devant le Tribunal administratif du logement. À défaut, il était présumé avoir accepté de quitter. Le locateur devait payer au locataire évincé une indemnité de 3 mois de loyer et des frais de déménagement[3].

 

Un propriétaire voulant faire un tel projet aujourd’hui devra envoyer son avis, comme avant, mais le locataire aura alors un mois pour répondre (et non pour introduire une demande). S’il omet de ce faire, ce sera au propriétaire de faire une demande devant le TAL dans le mois du refus. À défaut par le propriétaire de ce faire, il ne pourra pas procéder à son projet.

 

À l’audience, le locateur devra prouver qu’il n’a pas comme but ultime de mettre le locataire dehors, que son projet est sérieux, faisable et légal. Si l’éviction est accordée, le locateur devra payer au locataire les frais de déménagement et un mois de loyer par année où le locataire a vécu dans le logement (minimum 3 mois et maximum 24 mois).

Dans tous les cas, l’exception pour une personne âgée de 70 ans ou plus, ayant habité le logement depuis au moins 10 ans et ayant un faible revenu est maintenue[4].

 

Il est à noter que la ministre responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, a annoncé, le 22 mai 2024, un moratoire sur les évictions pour, entre autres, diminuer l’âge de l’exception à une personne âgée de 65 ans ou plus et augmenter le revenu admissible (projet de loi 65). Ce moratoire, qui a été voté en juin 2024  avec effet rétroactif à la date du dépôt, interdit également tout type d’évictions pour une durée minimum de 3 ans, soit jusqu’en 2027.

 

Logement impropre à l’habitation

Les dommages punitifs sont différents des dommages moraux ou matériels. Ils ont pour fonction de prévenir des récidives plutôt que de réparer un dommage subi. Ainsi, la personne qui en réclame n’aura pas à prouver un dommage, mais plutôt que l’acte a été commis intentionnellement. Pour cette raison, les dommages punitifs sont réservés à certaines situations très spécifiques telles que le harcèlement (art. 1902 C.c.Q.) ou encore une atteinte à un droit reconnu par la Charte (par exemple, une entrée illégale dans un logement).

 

Avec la nouvelle loi, le législateur ajoute à cette liste les logements impropres à l’habitation. De cette façon, il est désormais possible pour un locataire de réclamer des dommages punitifs si son logement est devenu impropre à l’habitation par la négligence du locateur.

 

Cette modification s’applique pour toutes les demandes ouvertes le ou après le 21 février 2024.

 

 

Clause G du bail (avis au nouveau locataire)

Pour les baux conclus le ou après le 21 février 2024, il sera possible pour un locataire de réclamer des dommages punitifs si un locateur a omis sciemment de remplir la section G du bail ou si ce dernier a indiqué de fausses informations.

 

 

Immeuble nouvellement bâti (5 ans ou moins) – clause F du bail

Avant les modifications à la loi, si la section F du bail était remplie, il était impossible pour le locataire d’un logement dans un immeuble de moins de 5 ans ou ayant fait l’objet d’un changement d’affectation de moins de 5 ans de faire fixer le loyer. Il devait accepter toute augmentation de bonne foi ou quitter les lieux. La section F du bail contenait le texte de cette restriction, sa justification et la date à laquelle l’immeuble était prêt à l’habitation.

 

Pour les baux conclus le ou après le 21 février 2024 ou pour tous les immeubles qui sont prêts à l’usage pour lequel ils sont destinés à compter du 21 février 2024, la section F devra également indiquer le loyer maximal qui pourra être imposé dans les 5 prochaines années.

 

Avis de modification des conditions du bail (ou d’augmentation de loyer)

Tous les avis d’augmentation transmis le ou après le 21 février 2024, doivent désormais contenir des informations spécifiques informant les locataires de leurs droits (art. 1945 et 1947 C.c.Q.). Ainsi, afin de vous assurer de la validité de vos avis, vous pouvez utiliser le modèle d’avis disponible sur le site internet du Tribunal administratif du logement.

 

Démolition d’un immeuble

Les modalités de démolition d’un immeuble sont également modifiées par le projet de loi 31. En effet, pour tous les avis de démolition transmis le ou après le 21 février 2024, les indemnités à être versées changent.

 

Désormais, locateur devra payer au locataire les frais de déménagement et un mois de loyer par année où le locataire a vécu dans le logement (minimum 3 mois et maximum 24 mois).

 

Pour les avis transmis avant le 21 février 2024, l’indemnité demeure de 3 mois de loyer et les frais de déménagement.

 

Compétence du Tribunal administratif du logement

Le Tribunal administratif du logement a compétence pour statuer sur toute demande dont la valeur ne dépasse pas 100 000 $ (seuil maximum de la Cour du Québec). Avant le 21 février 2024, si un demandeur faisait une demande d’exécution en nature (ex. demande de travaux) dont la valeur dépassait ce montant, son dossier était jugé comme ayant dépassé la compétence du TAL et il devait recommencer ses démarches devant la Cour supérieure.

 

Depuis le 21 février 2024 et pour toutes les demandes introduites depuis cette date, le TAL peut statuer sur les demandes d’ordonnance en nature dont la valeur dépasse son seuil de 100 000 $. Plus particulièrement, pour les demandes en lien avec les articles suivants du Code civil du Québec :

 

  • Article 1863 (exécution en nature d’une obligation découlant du bail);
  • Article 1867 (demande du locataire d’exécuter lui-même une obligation du locateur découlant du bail);
  • Article 1917 (ordonnance d’office du Tribunal suite à la constatation qu’un logement est impropre à l’habitation);
  • Article 1918 (demande du locataire d’obliger le locateur à exécuter ses obligations lorsque l’inexécution risque de rendre un logement impropre à l’habitation).

 

Également, lorsque plusieurs demandeurs se joignent sur la même demande, tant que la valeur de chaque demande individuellement prise est en bas de 100 000 $, le TAL a compétence.

 

Représentation devant le Tribunal administratif du logement

Selon les anciennes dispositions, il était possible de se faire représenter devant le TAL selon les modalités suivantes :

 

  • Pour une personne physique – par avocat ou par son conjoint OU par un parent, ou allié (s’il est impossible qu’elle se présente elle-même pour cause de maladie, d’éloignement ou autre cause jugée suffisante et avec un mandat) OU par un ami si un parent ou allié n’est pas disponible sur le territoire;
  • Pour une personne morale – par avocat, par un dirigeant ou administrateur ou par un employé au seul service de l’entreprise;

 

Pour les demandes introduites le ou après le 21 février 2024, il est possible de se faire représenter par toute personne de son choix (avec mandat) ou par un avocat. Malgré tout, il est toujours impossible de se faire représenter par un professionnel radié, déclaré inhabile à exercer sa profession ou dont le droit d’exercice de sa profession est limité ou suspendu.

 

Il est à noter que dans tous les cas, la représentation par avocat n’est pas permise dans les causes dont le seul objet est le recouvrement d’une créance d’une valeur de moins de 15 000 $.

 

 

 

 

 

[1] Voir notre article sur la cession de bail

[2] Voir notre article sur la sous-location depuis plus de 12 mois

[3] Voir notre article sur l’agrandissement, la subdivision et le changement d’affectation

[4] Art. 1959.1 C.c.Q.

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