Vous avez conclu un contrat afin de faire construire la maison de vos rêves. Au début, tout va bien, mais après quelques temps, lorsque vous vérifiez l’avancement des travaux, vous vous rendez compte que des erreurs majeures se sont glissées dans la construction. Vous aviez demandé des briques rouges, ils en ont mis des grises qui, en plus d’être inesthétiques, coûtent plus cher. Fâché, vous décidez de retenir le dernier paiement. La compagnie de construction réplique en inscrivant sur votre maison une hypothèque légale de la construction puis, un préavis d’exercice d’un droit hypothécaire. Qu’est-ce que cela implique pour vous et comment pouvez-vous régler le problème?
L’hypothèque légale de la construction apparaîtra au registre foncier et sera un obstacle pour la vente future de votre maison ou pour y ajouter une hypothèque. Il est donc impératif de la faire radier le plus rapidement possible en payant le montant dû (si un montant est vraiment dû) ou en produisant une défense et demande reconventionnelle à la requête introductive d’instance que la compagnie de construction ne tardera pas à vous signifier.
La validité de l’hypothèque légale de la construction est assujettie à certains éléments de forme.
Les personnes visées
L’article 2726 C.c.Q. précise que les seules personnes qui peuvent inscrire une hypothèque légale de la construction sont les architectes, ingénieurs, fournisseurs de matériaux, ouvriers, entrepreneurs ou sous-entrepreneurs qui ont participé aux travaux demandés par le propriétaire ou livré des matériaux pour leur exécution.
Lorsqu’il s’agit de sous-contractants, c’est-à-dire, de personnes n’ayant pas contracté directement avec le propriétaire de l’immeuble, ceux-ci doivent, selon l’article 2728 C.c.Q., dénoncer par écrit le contrat au propriétaire à défaut de quoi ils ne pourront pas inscrire d’hypothèque. Cette restriction ne s’applique pas aux ouvriers.
Aussi, si les travaux n’ont pas été demandés par le propriétaire, aucune hypothèque légale de la construction ne pourra être publiée sur son immeuble.
Les montants
L’article 2728 C.c.Q. explique que l’hypothèque légale de la construction ne garantit que la plus-value donnée à l’immeuble par les travaux. Ainsi, si vous faites construire un solarium au montant de 5 000 $ mais qu’il n’apporte que 3 000 $ de plus-value à votre immeuble, l’hypothèque que pourra inscrire automatiquement le constructeur sera de 3 000 $ seulement. Bien sûr, il conservera un recours personnel contre vous pour le reste.
Les délais
Un avis d’hypothèque doit être inscrit au registre foncier et signifié au propriétaire de l’immeuble dans les 30 jours suivant la fin des travaux afin que l’hypothèque soit conservée.
Par la suite, elle s’éteindra automatiquement si le constructeur n’a pas publié d’action ou de préavis d’exercice d’un recours hypothécaire au registre foncier dans les 6 mois de la fin des travaux.
La notion de fin des travaux
Il n’y a qu’une seule fin des travaux, peu importe le nombre d’ouvriers et le type de travaux à effectuer. Ainsi, si vous faites refaire les murs et les fenêtres de votre immeuble, que les murs sont terminés le 13 mars et les fenêtres posées le 20 mars, la fin des travaux sera le 20 mars.
Par exemple, dans la cause Bertrand Spénard c. 3102-7725 Québec Inc.(1), un couple avait contracté pour l’achat d’armoires de cuisines. Quand les armoires ont été livrées, elles n’étaient pas les bonnes. La compagnie a refusé de les changer arguant que c’était ce modèle qui avait été choisi. Le couple a finalement décidé de faire affaire avec une autre compagnie et n’a jamais payé les premières armoires. Une hypothèque légale de la construction a été inscrite et le couple prétendait qu’elle n’était pas valide étant donné qu’elle avait été inscrite plus de trente jours après la fin des travaux. Le juge a décidé que, puisque les premières armoires n’avaient jamais été posées mais que le couple n’avait pas eu l’intention d’abandonner le projet, les travaux avaient été suspendus et non abandonnés. La fin des travaux n’avait donc eu lieu que lorsque les nouvelles armoires avaient été installées et l’hypothèque avait été publiée dans les délais.
Le rang
Selon l’article 2952 C.c.Q., l’hypothèque légale de la construction prend automatiquement rang avant toute autre hypothèque pour la plus-value apportée à l’immeuble. S’il y a plus d’une hypothèque légale de la construction, elles prennent rang en concurrence, proportionnellement à la valeur de chacune des créances.
Ces informations peuvent vous donner une idée de la validité ou non d’une hypothèque de la construction. Néanmoins, ce sujet reste très complexe et chaque cas est un cas d’espèce. Dans le doute, mieux vaut consulter un avocat.
(1) 2012 QCCQ 112, (CanLII)