Vices cachés

Vices cachés

Lors de l’achat d’une maison, il est important de faire une vérification diligente des lieux et de bien s’informer sur l’état de l’immeuble avant de signer la promesse d’achat. Dans le cas contraire, on peut s’exposer à devoir débourser des sommes substantielles en rénovations ou à devoir entreprendre des procédures judiciaires coûteuses.

Définition

Selon l’article 1726 C.c.Q., le vice caché est celui qui, par opposition au vice apparent, ne peut être constaté « par un acheteur prudent et diligent, sans avoir besoin de recourir à un expert. »

Par exemple, dans la cause Patrice Toubeix et Carole Bélanger c. Frédéric Arsenault et Sandrine Chambaron(1), certains vices réclamés ont été refusés par le juge, car ils avaient été dénoncés dans le rapport d’expertise ou ils pouvaient être constatés par une visite des lieux diligente. Ils étaient donc apparents. Dans cette affaire, le juge précise que :

« Bien que l’article 1726 du Code civil du Québec n’exige pas que l’acheteur ait recours à un expert, il demeure que, dans certaines circonstances, l’acheteur « prudent » doit obtenir de l’aide. C’est le cas de l’acheteur qui possède peu ou pas de connaissances en matière de construction qui perçoit l’indice d’un problème (ex : cernes suggérant des infiltrations d’eau, fissures dans les fondations). En l’absence d’indices révélateurs, on n’exigera pas de l’acheteur, par exemple, qu’il défasse les murs ou qu’il creuse autour des fondations pour en vérifier l’état. »

Le juge explique également les facteurs pris en compte pour déterminer si un vice est caché ou non qui sont les suivants : le statut du vendeur, le statut de l’acheteur, la nature du bien acheté, son âge, le prix payé, la nature du vice et le comportement des parties.

Afin de donner lieu à une réclamation, le vice doit aussi être présent ou latent au moment de la signature du contrat.

Obligation de garantie

Selon les termes de l’article 1726 C.c.Q., le vendeur d’un bien a l’obligation de « garantir à l’acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l’usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l’acheteur ne l’aurait pas acheté, ou n’aurait pas donné si haut prix, s’il les avait connus. »

Ainsi, le vice doit être assez grave pour rendre le bien inutile ou très diminué. L’acheteur devra prouver, afin de réclamer un dommage, qu’il n’aurait pas acheté ou aurait acheté à un moindre prix le bien s’il avait été au courant du vice.

Tel que l’explique le juge dans l’affaire Geneviève Nadon et Roberto Muzzo c. Sandro Fabrici et Margherita Racanelli(2) en parlant du problème de fondation causé par une cour anglaise :

« Le vice doit être grave, soit qu’il a une telle importance qu’un acheteur raisonnable n’aurait pas acheté ou aurait négocié une réduction du prix. C’est la situation ici pour la cour anglaise, mais non pas pour la chambre froide, car un problème qui se résout par l’ajout de scellant au coût de 500 $, n’est pas un vice grave. Toute réclamation au niveau de la chambre froide est donc rejetée. »

Exonération de responsabilité

Les parties peuvent, dans le contrat de vente : « […] ajouter aux obligations de la garantie légale, en diminuer les effets, ou l’exclure entièrement. » (1732 C.c.Q.)

Ainsi, il est tout à fait possible d’acheter ou de vendre un bien sans garantie légale si une clause du contrat le prévoit. Malgré tout, tel que le précise la fin de l’article 1732 C.c.Q. : « […] le vendeur ne peut en aucun cas se dégager de ses faits personnels.

De plus, le vendeur ne peut pas limiter ou exclure sa responsabilité s’il connaissait ou aurait dû connaître les vices au moment de la vente. Il pourra tout de même le faire, par contre, si l’acheteur a acheté d’un vendeur non professionnel avec la mention « à ses risques et périls. » (1733 C.c.Q.)

Il est également à noter que la vente sous contrôle de justice n’inclut aucune obligation de garantie de qualité du bien vendu (1731 C.c.Q.).

Dénonciation

L’article 1739 C.c.Q. énonce ce qui suit :

« 1739. L’acheteur qui constate que le bien est atteint d’un vice doit, par écrit, le dénoncer au vendeur dans un délai raisonnable depuis sa découverte. Ce délai commence à courir, lorsque le vice apparaît graduellement, du jour où l’acheteur a pu en soupçonner la gravité et l’étendue.

Le vendeur ne peut se prévaloir d’une dénonciation tardive de l’acheteur s’il connaissait ou ne pouvait ignorer le vice. »

L’acheteur a donc l’obligation de dénoncer le vice au vendeur le plus tôt possible afin de lui permettre de venir constater l’état des lieux lui-même.

En plus de la dénonciation, l’acheteur devra mettre le vendeur en demeure de venir constater l’étendue des vices et de procéder à son expertise s’il le juge approprié. La mise en demeure et la dénonciation sont souvent faites dans la même lettre. Malgré tout, il convient de faire attention, car une dénonciation n’équivaut pas à une mise en demeure.

Dans la cause de Patrice Toubeix et al. précédemment mentionnée(3), plusieurs réclamations des acheteurs avaient été rejetées par le tribunal, car ces derniers avaient fait les réparations avant de dénoncer le vice. De ce fait, ils avaient empêché les vendeurs de constater leur étendue.

Néanmoins, s’il connaissait le vice ou aurait dû le connaître, le vendeur ne pourra opposer à l’acheteur le retard dans la dénonciation.

Réclamation

Les montants accordés lors d’une poursuite en vices cachés ne doivent pas enrichir l’acheteur. Il s’agit simplement de rétablir l’équilibre entre les parties. En ce sens, il serait injuste de condamner un vendeur à payer à un acheteur le prix total de remplacement de la toiture s’il était convenu ou apparent qu’il ne restait que trois années de vie utile à cette dernière. Une toiture neuve dure habituellement 25 ans. Ainsi, le juge condamnera plutôt le vendeur à payer 12 % du prix de remplacement, représentant les trois années durant lesquelles la toiture aurait dû continuer à être efficace.

Aussi, selon l’article 1728 C.c.Q., l’acheteur pourra réclamer des dommages-intérêts du vendeur s’il prouve que ce dernier connaissait ou ne pouvait ignorer le vice.

Finalement, s’il prouve qu’il n’aurait pas contracté s’il avait connu le vice, l’acheteur pourra réclamer l’annulation de la vente.

Bref, afin d’entreprendre une poursuite en vices cachés avec succès, il est important de bien préparer la preuve et de s’assurer que tous les éléments précédemment mentionnés sont respectés.

(1) 2006 QCCQ 2512
(2) 2012 QCCQ 828
(3) Préc. note 1

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