Punaises de lit

Punaises de lit

Les punaises de lit sont un problème de plus en plus courant. Lorsqu’elles envahissent un immeuble, est-ce que le locateur peut être tenu responsable des dommages causés à un locataire?

Obligation générale

À titre de locateur, vous avez comme obligation principale de procurer la jouissance paisible des lieux à votre locataire tel qu’indiqué par l’article 1854 C.c.Q. qui stipule ce qui suit :

« 1854. Le locateur est tenu de délivrer au locataire le bien loué en bon état de réparation de toute espèce et de lui en procurer la jouissance paisible pendant toute la durée du bail.

Il est aussi tenu de garantir au locataire que le bien peut servir à l’usage pour lequel il est loué, et de l’entretenir à cette fin pendant toute la durée du bail. »

Vous avez donc intérêt, en cas de dénonciation de la présence de punaises, d’agir avec célérité dès la dénonciation en engageant une firme d’extermination compétente pour remédier au problème. « Lorsqu’un locateur réagit avec rapidité et remédie à la situation sans délai, il ne peut être pénalisé en voyant le loyer réduit. »(1)

Dommages pouvant être accordés et moyens de défense

La simple constatation de l’absence de résultat ou du préjudice subi suffit à faire présumer la responsabilité du locateur. Pour se dégager de toute responsabilité, ce dernier doit prouver, par prépondérance de preuve, une force majeure ou encore le fait de la victime, comme par exemple que le locataire est à l’origine de l’infestation de punaises dans l’immeuble(2), ce qui est très difficile à prouver en pratique.

Il peut résulter de cette obligation un déséquilibre entre le propriétaire et le locataire. Pour cette raison, la jurisprudence a évolué au cours des dernières années. Tel que l’explique la juge administrative Jocelyne Gravel dans un jugement de 2013 :

« L’octroi de dommages-intérêts n’est cependant pas absolu et selon l’origine du trouble, le locateur bénéficiera de moyen de défense accru. L’un d’eux est le trouble de fait d’un tiers de l’article 1859 du Code civil du Québec. […] Il [ce régime de responsabilité] a comme avantage de faire supporter à chacun des cocontractants une partie des conséquences de la présence des punaises dans un logement. »(3)

Selon ce jugement, l’origine des punaises était présumée être le trouble du fait d’un tiers pourvu qu’aucune négligence n’était démontrée, ni du côté du propriétaire, ni du côté du locataire. Cela impliquait que, bien que le locataire puisse toujours réclamer une diminution de loyer, il devait prouver la négligence du propriétaire pour avoir droit à des dommages moraux ou matériels (perte de meubles, nettoyage, produits…).

Ce courant jurisprudentiel a été suivi dans de nombreuses autres décisions de la Régie du logement.

Malgré cela, une décision a récemment été prononcée par la Régie du logement dans laquelle le concept de faute d’un tiers présumée était rejeté. Dans ce cas, la locataire souffrait de paralysie cérébrale et se déplaçait en fauteuil roulant, rendant l’épisode de punaises encore plus difficile à vivre qu’à la normale. Le propriétaire avait fait preuve de bonne foi et de diligence, mais le problème de punaises n’avait pas pu être réglé immédiatement, malgré que deux compagnies d’extermination aient été appelées. La régisseure Jocelyne Gascon, condamnant le propriétaire à des dommages-intérêts moraux et matériels, s’exprime ainsi :

« D’autre part, avec égard, contrairement à l’affaire Marcotte c. Gariata Entreprise, le Tribunal estime que l’intention du législateur n’était pas de retenir, lorsqu’il y a ignorance de la cause du problème, l’équivalent de la faute d’un tiers et les moyens de défense qui s’y rapportant, soit en permettant la démonstration d’une preuve de diligence raisonnable et conséquemment, que le seul droit alors du locataire serait d’établir qu’il a droit à une diminution de loyer pour perte de jouissance. »(4)

Pour l’instant, la Cour du Québec, en appel de la Régie du logement, n’a toujours pas tranché clairement la question. Il y a donc, pour l’instant, deux courants jurisprudentiels applicables au cas de punaises et il est impossible de prévoir exactement l’issue d’un procès futur. Malgré tout, le courant majoritaire semble pour l’instant être celui de Marcotte c. Garita, mais il faudra surveiller comment le tout évoluera.

En cas de présence de punaises, le locataire peut également demander, conformément à l’article 1863 C.c.Q., la résiliation du bail, une diminution de loyer et des dommages au motif que le locateur ne lui a pas procuré la jouissance paisible des lieux. Il devra cependant, pour ce faire, mettre en demeure le locateur de respecter ses obligations.

Faute d’un autre locataire

Également, si le locateur prouve que la présence de punaises a été causée par un autre locataire, il pourra, en cas de réclamation en dommages, prouver qu’il a agi avec prudence et diligence et s’adresser au locataire fautif afin d’être indemnisé pour le préjudice qu’il a subi.

Abandon du logement

En présence d’infestation, conformément à l’article 1915 C.c.Q., il est possible pour un locataire d’abandonner un logement qui devient impropre à l’habitation. Il doit alors aviser le locateur de l’état du logement avant l’abandon ou dans les 10 jours qui suivent.

Pour être justifié d’abandonner son logement, le locataire devra prouver que l’état du logement, conformément à l’article 1913 du C.c.Q., constitue une menace sérieuse pour la santé ou la sécurité des occupants ou du public ou qu’il a été déclaré comme tel par une autorité compétente.(5)

La preuve justifiant l’abandon de son logement par le locataire est donc très exigeante et le locateur pourra toujours faire valoir que le locataire, en abandonnant son logement, ne rencontrait pas les critères mentionnés au paragraphe précédent. Si le départ du locataire n’était pas justifié, le locateur pourra réclamer les dommages subis dont une indemnité de relocation(6).

Conclusion

Les jugements condamnant les locateurs à payer des dommages aux locataires dû à la présence de punaises varient beaucoup, allant de quelques centaines de dollars à plusieurs milliers, en tenant compte du degré d’infestation, des traitements effectués pour remédier au problème, du fait que le locataire ait quitté son logement en toute légalité ou non et des dommages prouvés dans chaque dossier.

(1) Svetlana Avramova c. Groupe Théoret, R.L. 31 060609 146 G
(2) Jean-Louis BEAUDOIN et Pierre-Gabriel JOBIN, Les obligations, Éditions Yvon Blais, 6e édition, no. 37, p. 42, dans Thibault c. Office municipal d’habitation de Montréal, R.L. 31 100205 084 G
(3) Marcotte c. Garita entreprise inc., 31-120817-056 G, (R.L.), 18 juin 2013, régisseure Jocelyne Gravel
(4) Marie Soudre c. O.M.H. de Montréal, 203850, (R.L.), 28 octobre 2015, régisseure Jocelyne Gascon
(5) Lire également notre chronique sur « Le départ du locataire lorsque le logement devient impropre à l’habitation«
(6) Moulou c. Naud, R.L. 31 060524 074 G

Partager cette chronique