Conjoints lors de la signature du bail

Conjoints lors de la signature du bail

Vous signez un bail avec un locataire. Ce dernier s’installe avec sa petite famille. Ce geste peut paraitre bénin et sans conséquence. Cependant, c’est loin d’être le cas. Dans le texte qui suit, nous ferons un survol de ces conséquences.

Section I du bail (art. 403, 407 et 408 C.c.Q.)

La section I du bail propose aux locataires un avis de résidence familiale à remplir. Cette section peut être remplie uniquement par les couples étant marié ou unis civilement. Il est à noter qu’il n’est pas nécessaire d’être locataire pour signer cette section, seulement conjoint.

Les conséquences? Le droit d’un locataire marié ou uni civilement à la sous-location ou cession du bail est toujours limité. Ce dernier ne pourra agir sans le consentement de son conjoint. Le fait que l’avis soit rempli entraine des conséquences pour le propriétaire, qui est maintenant au courant de la situation des époux. Le propriétaire devra à compter de ce moment, s’assurer d’obtenir également le consentement du conjoint lorsque son locataire désirera céder ou sous-louer le logement. L’article 403 du Code civil du Québec indique d’ailleurs que le conjoint qui n’a pas donné son consentement peut faire annuler l’acte.

À l’occasion d’une cession ou sous-location faite sans droit, le conjoint lésé pourra également réclamer des dommages-intérêts de son conjoint, mais aussi de tout tiers qui était de connivence avec ce dernier.

Divorce et séparation (art. 409 et 1938 C.c.Q.)

Louer à un couple, qu’il soit marié, uni civilement ou conjoint de fait, a également des répercussions lorsque survient une séparation ou un divorce.

Dans le cas d’un couple marié ou uni civilement, le juge du procès concernant la séparation ou le divorce aura le pouvoir d’attribuer le bail de la résidence familiale au conjoint du locataire selon l’article 409 du Code civil du Québec. Ce jugement sera exécutoire dès qu’il sera signifié au locateur et libérera pour l’avenir le locataire d’origine. Ainsi, il se peut qu’il y ait un changement entre locataires sans que le propriétaire ne soit même consulté. Cependant, pour que cet article trouve application, le logement loué devra être la résidence principale de la famille.

Dans le cas où il y a séparation sans procédures judiciaires et dans le cas de conjoints de fait, s’ils habitent ensemble depuis plus de 6 mois, une autre situation peut se produire. En effet, selon l’article 1938 du Code civil du Québec, il est possible pour un ex-conjoint non locataire de le devenir si, après la séparation, il reste dans le logement et envoie un avis au locateur de son désir de devenir locataire dans les deux mois de la cessation de la cohabitation. Encore une fois, dans une telle situation, aucune discrétion n’est laissée au locateur pour refuser le locataire.

Non-paiement de loyer et solidarité (art. 397 C.c.Q.)

Le fait de louer à des conjoints comporte aussi un avantage : la solidarité. En effet, l’article 397 du Code civil du Québec indique ce qui suit :

« 397. L’époux qui contracte pour les besoins courants de la famille engage aussi pour le tout son conjoint non séparé de corps.

Toutefois, le conjoint n’est pas obligé à la dette s’il avait préalablement porté à la connaissance du cocontractant sa volonté de n’être pas engagé. »

On a interprété à de nombreuses reprises un bail comme une dépense faite pour les besoins courants de la famille pourvu que ce soit le logement dans lequel vit la famille. Ainsi, un conjoint, dont le nom n’apparaitrait pas sur le bail pourrait voir sa responsabilité engagée solidairement avec le locataire. Cet article n’est pas couramment utilisé étant donné qu’il faut que le demandeur prouve la situation matrimoniale des parties ce qui complique l’audition en non-paiement de loyer. Malgré tout, il peut être très utile lorsqu’un locataire fait faillite, mais que son conjoint est solvable.

Par exemple, dans la décision Papp c. Aspin et Joncas[1], le locataire inscrit au bail était Albert Aspin. Cependant, ce dernier avait fait cession de ses biens quelques mois avant la date d’audience et ne pouvait donc plus être poursuivi. La locatrice s’est alors tournée vers la conjointe de Monsieur Aspin, laquelle habitait, avec ses quatre enfants, dans le logement. Le juge administratif explique que Madame Joncas est responsable solidairement des loyers réclamés étant donné l’article 397 du Code civil du Québec.

Il est important de noter que, si le conjoint a fait part de sa volonté de ne pas être tenu responsable du contrat, alors il ne pourra l’être.

[1] Sonia Papp c. Albert Aspin et Karine Joncas, 2014 QCRDL 37269, régisseur Marc C. Forest, 5 novembre 2014;

Partager cette chronique