Résiliation de bail, le cas particulier des coopératives d’habitation

Une coopérative d’habitation est une collaboration d’un groupe de personne faite dans le but d’obtenir un logement à moindre coût en échange de certains services rendus par les membres.

Par exemple, un logement dans une coopérative peut être 100$ moins cher que son coût usuel, mais les tâches de gestion de l’immeuble devront être assumées par les locataires. Ainsi, certains locataires s’occuperont du nettoyage, d’autres, de travaux de réparation et d’autres seront membres du conseil d’administration.

L’idée est louable, mais risquée. En effet, tout le succès d’une telle démarche repose sur la collaboration des membres de la coopérative. Dans les faits, il se peut que même une faible baisse de participation des membres entraine des problèmes majeurs dans une coopérative. Pour cette raison, un système a été pensé dans la Loi sur les coopératives afin d’expulser un membre récalcitrant ou nuisant à la coopérative.

Un bémol s’impose. Lorsque le titre d’un membre est révoqué, celui-ci possède toujours un bail avec la coopérative. Cette dernière se retrouve donc avec un de ses logements occupé par un non membre, qu’elle ne peut pas expulser, puisque ce dernier a le droit au maintien dans les lieux selon l’article 1936 C.c.Q., lequel indique ce qui suit :

1936. Tout locataire a un droit personnel au maintien dans les lieux; il ne peut être évincé de son logement que dans les cas prévus par la loi.

Or, s’il s’agit d’une petite coopérative et que la situation survient, au fil des ans, avec plus d’un locataire, cela peut vite causer des problèmes.

Pour cette raison, plusieurs coopératives votent un règlement à l’interne qui exige que le bail d’un membre expulsé ne puisse pas être renouvelé à son terme. En pratique, cela signifie qu’un membre ayant un bail du 1er juillet au 30 juin qui a été expulsé en novembre pourra rester à la coopérative jusqu’à la fin de son bail, le 30 juin, mais devra quitter ensuite.

Un tel règlement a été déclaré valide dans la décision Le Rouet c. Herreira 1, lesquels ont décidé que la nature particulière de la relation entre une coopérative et ses membres permettaient à ces derniers de choisir les modalités contractuelles les liant. Dans cette décision, le juge indique :

[47] Même s’il est vrai qu’être membre d’une coopérative est une chose et qu’être locataire en est une autre, les deux sont intimement liées en matière de coopérative d’habitation. La Loi sur les coopératives énonce spécifiquement que la coopérative d’habitation est celle qui a pour objet de faciliter à ses membres l’accès à une propriété ou l’usage d’une maison ou d’un logement. Le législateur a prévu faire une condition d’admissibilité à la location celle d’être membre…

[50] On peut ainsi dire que le contrat de bail fait partie du privilège rattaché au droit d’être membre d’une coopérative. Au privilège d’être membre est rattaché celui d’être locataire.

[51] Si l’on cesse d’être membre, rien ne répugne au fait de cesser d’être locataire à la fin du bail.

Qu’en est-il, alors, si aucun règlement n’a été établi avant l’expulsion des membres? Est-ce qu’une coopérative pourrait en voter un ultérieurement pour mettre fin au bail des non membres?

Dans une décision de la Régie du logement, le juge administratif vient à la conclusion que cela est possible en ces termes :

[20] Le but de former une Coopérative et de mettre ensemble des gens qui ont des préoccupations et des intérêts communs comme dans le présent cas, à gérer un complexe immobilier, afin de pouvoir bénéficier d’une réduction dans le paiement mensuel relié à leur habitation.

[21] Normalement, dans une Coopérative, chacun doit s’acquitter de quelques fonctions que ce soit justement dans le but de mettre en commun leur expertise pour bénéficier de cette réduction de paiement mensuel consacré à l’habitation.

[22] Par conséquent, si certaines personnes ne sont plus membres de la Coopérative et ne participent plus aux diverses tâches qui devraient être partagées entre tous, afin d’atteindre ce but, l’équilibre entre les personnes qui habitent cet immeuble est rompu. 2

[1] Le Rouet c. Herreira, 2004 CanLII 1881 (QC CQ)
[2] Coopérative d’habitation de la rue Bélair c. Grégoire, 2017 QCRDL 27540

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