Résiliation du bail pour préjudice sérieux (non-paiement et retards fréquents)

Résiliation du bail pour préjudice sérieux (non-paiement et retards fréquents)

Le loyer est payable par le locataire le premier de chaque mois à moins que les parties en conviennent autrement.

L’article 1903 du Code civil du Québec stipule :

« Le loyer convenu doit être indiqué au bail. Il est payable par versements égaux, sauf le dernier qui peut être moindre; il est aussi payable le premier jour de chaque terme, à moins qu’il n’en soit convenu autrement. »

L’article 1971 du Code civil du Québec prévoit la sanction du locataire qui ne paie pas son loyer ou qui paie régulièrement en retard :

« Le locateur peut obtenir la résiliation du bail si le locataire est en retard depuis plus de trois semaines pour le paiement du loyer, ou encore, s’il en subit un préjudice sérieux, lorsque le locataire retarde fréquemment le loyer.

Ainsi, donc dès le 23e jour du mois, le locateur peut introduire à la Régie du logement un recours en résiliation du bail du locataire qui n’a pas payé son loyer. Lors de l’audition, sur preuve du locateur à l’effet que le locataire est toujours en retard depuis plus de trois semaines dans le paiement de son loyer, le régisseur n’aura aucune discrétion et devra résilier le bail.

Mais qu’en est-il lorsque le locataire paie son loyer régulièrement en retard? Quelle preuve doit apporter devant la Régie du logement le locateur qui veut obtenir la résiliation du bail du locataire qui paie régulièrement en retard? Quel est le préjudice sérieux dont parle l’article 1971 du Code civil du Québec?

« Le seul fait que le locataire retarde fréquemment le paiement de son loyer n’est pas suffisant pour obtenir la résiliation du bail. Le locateur a le fardeau de prouver le préjudice qu’il subit. Toutefois, pour obtenir la résiliation du bail au motif de retards fréquents dans le paiement du loyer, la loi impose aux locateurs qu’ils fassent également la preuve du préjudice sérieux que ces retards leur occasionnent.

En employant le terme sérieux, le législateur a imposé une preuve exigeante au locateur. La perception tardive du loyer crée en soi un préjudice. Il faut, pour justifier la résiliation du bail, que ce préjudice soit plus grand que les simples inconvénients occasionnés par tout retard.

Cette preuve ne peut donc uniquement se fonder sur une simple déclaration ou allégation du locateur à l’effet qu’il subit un préjudice sérieux. Le préjudice peut être prouvé par une preuve documentaire, le cas échéant, et il doit être fondé sur des faits objectifs et précis. »(1)

Dans le cas d’un petit propriétaire de duplex, triplex ou quadruplex, cette preuve s’établit relativement facilement, considérant le préjudice que subit le locateur dans le cadre de ses obligations financières. Le locateur aura tout simplement, dans ces circonstances, à expliquer au régisseur les conséquences financières imputables aux retards de paiement.

Mais qu’en est-il du propriétaire de 1000 logements? Les nombreux avis de retard, la comptabilité engendrée pour ce locataire seulement, le temps et l’énergie investis par les employés du locateur à tenter de percevoir le loyer dû, ont amené la Cour à conclure à l’existence d’un préjudice sérieux.(2)

L’exercice d’un recours judiciaire pour recouvrer le loyer pourra également amener le tribunal à conclure au préjudice sérieux.

La Cour du Québec, a accueilli l’appel de la locatrice et a résilié un bail suite à la preuve de quatre vacations à la Régie du logement. Le juge explique ce qui suit :

« Sachant ce qu’un recours judiciaire implique comme préoccupation, inquiétude, préparation, déplacement, frais, etc., on ne peut que conclure qu’une démarche judiciaire est un préjudice sérieux, à moins qu’on démontre qu’un locateur a abusé de ses recours, qu’il a entrepris ses recours, qu’il n’a pas tenté un règlement du problème. »(3)

Sur preuve d’un préjudice sérieux, la Cour a discrétion pour résilier le bail ou, conformément à l’article 1973 du Code Civil du Québec, ordonner au locataire de payer dorénavant son loyer le premier de chaque mois.

La plupart du temps, à moins que le locataire affirme vouloir persister à payer en retard, les régisseurs prononceront l’ordonnance mentionnée au paragraphe précédent.

L’expérience nous enseigne que chaque cas est un cas d’espèce et que l’appréciation de la preuve peut varier, et ce, même pour l’émission d’une ordonnance considérant que la preuve d’un préjudice sérieux doit être faite.

(1) Dubé et al. c. Soulière, 2015 QCRDL 2555
(2) Leiffer c. Creccal Investments Limited, 500-02-044793-961, 1997-04-22
(3) Office Municipale d’Habitation de Montréal c. Nantel, 500-80-004705-050

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