Lors du processus d’achat d’un immeuble, plusieurs offres et contre-offres vont se succéder avec plusieurs possibilités, pour l’une des parties, de se retirer. Cependant, il arrive un moment où toutes les conditions (financement, inspections, etc.) ont été levées. À ce moment, quelles sont les conséquences si l’acheteur se retire?
La zone grise
L’aspect principal à regarder en premier lieu est la raison du retrait. Parfois, il est clair que le retrait constitue une rupture de contrat. Par exemple, si l’acheteur a levé, en toute connaissance de cause, la condition d’obtention de financement, mais qu’il s’avère que la banque lui refuse. Il voudra alors se retirer du contrat.
Cela sera moins évident, par contre, si l’acheteur allègue qu’il a commis une erreur en levant la condition, qu’on l’a forcé à signer ou qu’on lui a fait de fausses représentations.
Également, la situation pourra être moins claire si, par exemple, un acheteur fait une offre d’achat conditionnelle à une inspection, mais que l’inspection est mitigée.
Dans la cause Yves Desjardins et al. c. Michel Sakr et al.[1], une telle promesse avait été faite et, suite à l’inspection, l’acheteur s’était retiré alléguant que l’entretien nécessaire immédiat était trop onéreux pour ses moyens. Le vendeur plaidait qu’il s’agissait de détails mineurs et que le retrait de l’offre d’achat était illégal et lui avait causé préjudice. Pour cette raison, le vendeur réclamait 4 510.91 $. Le tribunal conclut que le rapport d’inspection faisait état d’éléments qui ne pouvaient pas être qualifiés de mineurs, notamment, la solidité du solarium et de l’abri d’auto avaient été remise en doute. Le tribunal en vient à la conclusion que l’acheteur n’a pas commis de faute contractuelle et rejette la demande.
Une chose est sûre, si l’acheteur se retire sans droit à cette étape, il y aura des conséquences.
Conséquences pour le courtier
Si la vente n’a pas lieu, le courtier n’aura pas droit à sa commission. Si cet échec est dû à la faute du vendeur, les conséquences seront prévues dans le contrat, en règle générale.
Si l’échec est dû à l’acheteur, le courtier aura un recours en dommages contre ce dernier. Ce recours sera extracontractuel et fondé sur l’article 1457 du Code civil du Québec qui indique ce qui suit :
« 1457. Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s’imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui. »
Elle est, lorsqu’elle est douée de raison et qu’elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu’elle cause par cette faute à autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu’il soit corporel, moral ou matériel.
Elle est aussi tenue, en certains cas, de réparer le préjudice causé à autrui par le fait ou la faute d’une autre personne ou par le fait des biens qu’elle a sous sa garde. »
Dans la cause Vallée c. Lapointe[2], le défendeur avait signé une promesse d’achat au montant de 35 000 $ plus taxes, à laquelle il n’a pas donné suite. Il alléguait, entre autres, que le titre de propriété n’était pas clair, que le bail de location ne lui avait pas été fourni et que des taxes étaient impayées sur l’immeuble. Le juge vient à la conclusion que les motifs allégués ne sont pas suffisants considérant que le défendeur n’a jamais sommé le vendeur de corriger les défauts allégués. La demande est donc partiellement accordée et l’acheteur condamné à payer la somme de 1 500 $ au courtier en paiement de sa commission et un montant de 700 $ au vendeur à titre de dommages et intérêts.
Ainsi, un acheteur non diligent pourrait se voir condamné au paiement de la commission complète que le courtier aurait obtenu si la vente avait été conclue.
Conséquences pour le vendeur
Le même raisonnement peut être tenu à l’égard du vendeur qui subit un préjudice du fait de la non-réalisation de la vente.
Les dommages subis par le vendeur incluent la perte de temps et la diminution du prix de vente. Par exemple, lorsque l’immeuble est vendu à quelqu’un d’autre, mais à un prix moindre, l’acheteur ayant commis une faute pourra être tenu responsable de la différence de prix.
Le vendeur a cependant un autre recours à sa disposition, beaucoup plus inquiétant pour l’acheteur : l’action en passation de titre. C’est-à-dire, l’obtention d’un jugement qui tient lieu d’acte de vente entre les parties. Il est à noter que, selon l’article 1712 du Code civil du Québec, cette action est aussi disponible pour l’acheteur, en cas de défaut du vendeur.
« 1712. Le défaut par le promettant vendeur ou le promettant acheteur de passer titre confère au bénéficiaire de la promesse le droit d’obtenir un jugement qui en tienne lieu. »
L’action en passation de titre est assujettie aux conditions suivantes :
L’existence d’une promesse entre les parties
La partie adverse a été mise en demeure
L’acte de vente est conforme à la promesse
Une offre réelle a été faite soit l’immeuble ou l’argent a été mis à la disposition de l’autre partie qui a été mise en demeure de venir signer l’acte
Bref, avant d’entrer dans un contrat, toutes les facettes doivent être prises en compte pour éviter de graves conséquences. Il est important de bien s’informer sur ses droits, ses obligations et les conditions de la vente.
Si un conflit surgit, dans ce genre de cas, il est souvent préférable de négocier une solution à l’amiable plutôt que d’entreprendre des procédures longues et coûteuses pour toutes les parties.
[1] 2015 QCCQ 3826
[2] 2013 QCCQ 4877