Vous venez d’acheter un condo incroyable et êtes très heureux de votre achat. Cependant, un bémole apparait au tableau lorsque l’un des copropriétaires, votre voisin du dessus, décide de s’acheter une maison, mais au lieu de vendre son condominium, le loue.
Les locataires s’installent et les troubles commencent. Ils font des fêtes, mettent de la musique à tue-tête et marchent en talons hauts et en bottes dans l’appartement en tout temps. Que pouvez-vous faire alors?
La discussion
La première étape est évidemment, de tenter de discuter avec les voisins bruyants. Certains nouveaux occupants, habitués à vivre en maison ou dans un endroit bien insonorisé, ne se rendent tout simplement pas compte du bruit produit par leur comportement. Une conversation polie et courtoise peut alors régler le problème.
Si les locataires se montrent fermés à cette discussion, il faut tenter de contacter le propriétaire de l’unité pour lui faire part du problème, d’abord verbalement, puis par écrit. Il est parfois difficile de contacter directement le propriétaire, considérant que le plaignant n’aura pas nécessairement les coordonnées à sa portée. Sachez alors que ces coordonnées devraient se trouver avec le Syndicat de copropriété.
La mise en demeure
Si la plainte verbale n’a rien donné, il faut alors passer à l’étape écrite, afin de se ménager une preuve pour un éventuel procès. Il s’agit d’envoyer au copropriétaire locateur une mise en demeure, avec preuve de réception, lui enjoignant de prendre les mesures appropriées pour régler le problème. Ces mesures peuvent être d’avertir ses locataires, de les mettre en demeure ou de faire une demande de résiliation de bail selon le cas.
Le recours en injonction
Si le copropriétaire ne réagit pas, il est possible d’instituer un recours en injonction, selon l’article 1080 du Code civil du Québec, pour le contraindre, par ordre du Tribunal, à agir. L’article en question se lit comme suit :
« 1080. Lorsque le refus du copropriétaire de se conformer à la déclaration de copropriété cause un préjudice sérieux et irréparable au syndicat ou à l’un des copropriétaires, l’un ou l’autre peut demander au tribunal de lui enjoindre de s’y conformer.
Si le copropriétaire transgresse l’injonction ou refuse d’y obéir, le tribunal peut, outre les autres peines qu’il peut imposer, ordonner la vente de la fraction conformément aux dispositions du Code de procédure civile (chapitre C-25.01) relatives à la vente du bien d’autrui. »
Si le Tribunal rend une ordonnance qui n’est pas suivie, le plaignant pourra selon cet article, demander la vente de l’unité du copropriétaire fautif. Cependant, il s’agit d’un recours très rare en pratique, les conséquences étant très sévères pour le défendeur.
Le recours en injonction est complexe, long et coûteux. Il est donc préférable de se référer au Syndicat de copropriété, lequel peut aussi agir.
Le Syndicat
Il existe une légère, mais importante distinction entre la location de condo et la location d’appartement. En effet, lorsqu’un appartement est loué, seul le propriétaire peut agir pour mettre fin au bail en cas de problème avec le locataire. Dans les cas de condominiums, lorsque le copropriétaire refuse d’agir, le Syndicat a le pouvoir et le devoir de faire quelque chose pour régler le conflit.
Outre le recours en injonction de l’article 1080 C.c.Q., le Syndicat peut agir directement contre le locataire, à la Régie du logement, ce qui facilite grandement les choses au niveau coût et délai. Pour ce faire, le Syndicat doit suivre l’article 1079 C.c.Q., lequel indique :
« 1079. Le syndicat peut, après avoir avisé le locateur et le locataire, demander la résiliation du bail d’une partie privative lorsque l’inexécution d’une obligation par le locataire cause un préjudice sérieux à un copropriétaire ou à un autre occupant de l’immeuble. »
Pour obtenir la résiliation du bail, le Syndicat devra prouver que lui-même ou un copropriétaire subit un préjudice sérieux, donc qu’un dommage important est causé par le locataire. Il est à noter, cependant, que c’est l’ensemble des copropriétaires qui sera responsable de payer, en proportionnalité avec leur part, les frais engendrés par le Syndicat dans l’exécution du recours.
Le Syndicat a aussi le pouvoir d’appliquer une clause pénale, si celle-ci est prévue dans la déclaration ou dans le règlement de copropriété. Par exemple, s’il est prévu une amende de 15$ par infraction pour avoir fumé dans le condo et que le locataire ne s’y conforme pas, le Syndicat pourra émettre l’amende au propriétaire fautif. Malgré tout, il arrive parfois qu’une telle clause, dépendamment de sa rédaction et de la façon dont elle a été adoptée, ne soit pas valide. Selon la jurisprudence, pour être valable, une clause pénale doit prévoir une pénalité déterminée ou déterminable, ne laissant pas de discrétion au conseil d’administration sur le montant à être imposé. La possibilité d’imposer une telle clause doit également être prévue à la déclaration de copropriété[1].
Bruits normaux
Il est à noter que selon l’article 976 C.c.Q., les voisins doivent tolérer les inconvénients normaux du voisinage, c’est-à-dire, les bruits de la vie courante entendus dans un immeuble mal insonorisé, le bruit supplémentaire fait par une jeune famille, par opposition à une personne âgée vivant seule, etc.
Si, par contre, l’immeuble a été annoncé comme étant bien insonorisé et qu’il ne l’est pas, une poursuite en vice caché, fausse représentation ou vice de construction peut être envisagée[2].
Conclusion
Plusieurs options s’offrent à un copropriétaire dérangé par des locataires lorsque ces derniers font des bruits anormaux. Chaque situation étant unique, il est préférable de consulter un avocat pour plus d’information.
[1] Inga Semionov c. Syndicat des copropriétaires du Vistal 1, 2015 QCCQ 5439
[2] Voir notre chronique « Vice cachés »