Absence de discrimination dans le choix d’un locataire

Absence de discrimination dans le choix d’un locataire

Discrimination en matière de location d’appartements

La discrimination peut provenir de toute sorte de sources et certaines de ces sources sont plus évidentes que d’autres. Par exemple, il est évident qu’un propriétaire qui refuserait un locataire au motif qu’il est juif ferait de la discrimination. Par contre, les faits ne sont pas toujours si clairs. La Charte des droits et libertés s’applique évidemment à la location de logements résidentiels.

Dans quelles circonstances et comment un propriétaire peut-il refuser un candidat locataire? Est-ce qu’un propriétaire a le droit de demander un endosseur lorsque le candidat locataire est prestataire de l’aide sociale? Qu’en est-il d’un candidat ayant des antécédents judiciaires ?

Discrimination dite « positive »

La discrimination dite « positive » est celle utilisée dans une optique d’aide envers un certain groupe qui serait autrement en minorité. Par exemple, une bourse d’étude dans une université du Québec qui viserait seulement les étudiantes provenant d’un pays spécifique. Il s’agit de discrimination, tous les autres étudiants étant exclus, mais qui a pour but d’aider une partie de la population précise, suite à un besoin. Cela est donc permis.

Certains propriétaires, possédant plusieurs immeubles, ont tenté d’appliquer cette notion lorsque venait le temps de louer des logements. Ils ont remarqué que la plupart des problèmes entre voisins dans un même immeuble provenait des différences trop marquées de routine (travailleurs de nuit et de jour, enfants et gens à leur retraite, odeurs de cuisine, etc.) Ils ont donc décidé de désigner leurs immeubles afin de séparer ces groupes et qu’un immeuble, par exemple, n’abrite que des familles avec jeunes enfants et un autre, que des personnes de plus de 60 ans, retraitées.

Malgré tout, comme le droit au logement est un droit fondamental, une application stricte de la Charte empêche cette pratique, car elle peut faire en sorte qu’un logement soit refusé à une famille uniquement sur la base de leurs enfants, ce qui est illégal. Seule une suggestion est acceptable et non une interdiction formelle de location.

Discrimination fondée sur les antécédents criminels

Dans le cadre d’un travail, il est interdit par la Charte de refuser d’engager quelqu’un au motif qu’il a des antécédents criminels. La seule exception à cette règle est si le travail est lié à l’antécédent criminel ou si un pardon a été obtenu.

Il a été décidé par les tribunaux que l’article pertinent de la Charte ne s’applique par contre qu’à un emploi[1]. L’on a également considéré qu’avoir un casier judiciaire ne constituait pas une « condition sociale » au sens de l’article 10 de la Charte.

Ainsi, dans le cadre de location résidentielle, refuser un candidat locataire pour des motifs d’antécédents judiciaires est légal.

Suite à cette interprétation de la Charte, la Commission des droits de la personne et de la jeunesse a demandé à ce que des modifications soient faites à la loi afin d’inclure la discrimination suite à des antécédents criminels en matière de location résidentielle. Pour l’instant, cependant, aucune modification législative n’a eu lieu.

Discrimination fondée sur les enfants

La cause principale de discrimination envers les familles avec de jeunes enfants est le bruit allégué que ces derniers font. En effet, il est de connaissance générale que les enfants de moins de 10 ans ont tendance à faire plus de bruit, et ce, malgré toute la surveillance des parents (pleurs de bébé, début de la marche, course, jeux, cris, etc.)

En général, le seul fait d’alléguer avoir déjà eu des problèmes dans un logement à cause d’une famille bruyante ne permet pas de refuser de louer dans le futur à d’autres personnes avec enfants.

Dans une décision de la Régie du logement, la juge administrative vient cependant exceptionnellement à une conclusion contraire[2]. Dans cette cause, les propriétaires habitaient le rez-de-chaussée d’un triplex et louaient l’étage du dessus. Leur immeuble était très mal insonorisé et, malgré des tentatives de rénovation, il s’était avéré qu’il était impossible de l’insonoriser de façon efficace. Les locataires désiraient céder leur bail et avaient désigné une famille avec deux enfants en bas âge qui voulait louer les lieux. La cession avait été refusée au motif que les enfants avaient moins de 10 ans. La juge administrative a conclu que, dans ces circonstances particulières, il ne s’agissait pas de discrimination.

Discrimination fondée sur le statut social

Dans la cause Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Normandin[3], la commission, poursuivait le défendeur en alléguant que, par l’entremise de son concierge, il avait porté atteinte aux droits du plaignant en refusant de conclure un bail avec lui fondé sur la discrimination sociale.

Dans ce dossier, le plaignant alléguait que suite à sa visite des lieux et après avoir indiqué qu’il recevait de l’aide sociale, le concierge l’avait informé que selon la politique du propriétaire, un endosseur était exigé lorsque des assistés sociaux appliquaient. Aucune autre vérification n’avait eu lieu.

Le tribunal résume dans cette cause le droit applicable en citant plusieurs autres dossiers qui établissent le principe que le propriétaire peut refuser de louer à une personne n’ayant pas de revenus suffisants pour payer le loyer ou exiger qu’elle fournisse une caution, mais il doit auparavant faire « un minimum de vérification sur la capacité de payer du locataire potentiel pour évaluer si un risque subsiste réellement ». La raisonnabilité du risque « s’apprécie en fonction de la personne en cause et ne doit pas être fondée sur des stéréotypes, des généralités ou de mauvaises expériences antérieures. »

Le défendeur a été condamné à payer la somme de 3 500 $ à titre de dommages moraux ainsi que les intérêts et les frais.

Conséquences

Pour tout acte de discrimination, des recours peuvent être entrepris devant la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Des excuses, une rétractation de propos, une ordonnance de cesser le comportement et des dommages peuvent être réclamés. De plus s’il s’agit d’une cession de bail, une demande peut être faite à la Régie du logement afin de faire valider la cession.

[1] LAMY, Denis. Le bail résidentiel, la charte québécoise et les dommages exemplaires, Wilson Lafleur, 2008
[2] Allam c. Dzirasah, 2015 QCRDL 40455
[3] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Normandin, Tribunal des droits de la personne, 505-53-000026-093, 2011 QCTDP 6

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