Résiliation du bail pour trafic de drogue

Résiliation du bail pour trafic de drogue

Il arrive régulièrement, dans le cadre de la gestion de leur immeuble, que des propriétaires reçoivent des plaintes à l’effet qu’un locataire consomme ou se livre au trafic de drogue.

Est-ce que le propriétaire aura le droit d’obtenir la résiliation du bail d’un locataire lorsqu’il prouve que ce dernier se livre au trafic de drogue? Est-ce qu’il sera possible d’obtenir la résiliation du bail en prouvant la simple possession ou consommation par un locataire?

Dans la cause Corporation d’habitations Jeanne Mance c. Gaudreault(1), dont le jugement a été prononcé en 2003 par la Cour du Québec, la preuve était à l’effet que le locataire avait, sur une période d’environ deux semaines, utilisé son logement pour y faire du trafic de drogue en vendant de la cocaïne tant à des amis qu’à des inconnus et d’autres locataires de l’immeuble. La locatrice plaidait que le locataire avait changé la destination du bien loué en exerçant une activité commerciale contrairement à l’article 1856 du Code civil du Québec.

La Régie du logement, en première instance, avait rejeté la demande de résiliation de bail présentée par la locatrice au motif que le locataire avait fait un trafic limité dans le temps et avait remédié à la situation.

La question en litige autorisée en appel était la suivante :

« Est-ce que la résiliation du bail au motif que le locataire a changé la destination du bien loué en faisant le trafic de drogue exige un caractère de permanence ? Est-ce qu’un seul trafic suffit pour résilier le bail ? »

La Cour répond à la question mentionnée au paragraphe précédent que la permanence de l’activité qui constitue le changement de destination des lieux loués ne constitue pas une condition essentielle quant au droit la résiliation, mais un critère à prendre en considération. Ainsi, un seul trafic ne justifie pas automatiquement la résiliation d’un bail, mais pourra être suffisant dans certains cas, selon les circonstances.

La Cour mentionne que la simple possession de substances illégales ne crée pas, en soi, un motif de résiliation du bail en faveur du locateur et que c’est le fait pour le locataire de ne pas remplir ses obligations contractuelles qui donne ouverture à la résiliation.

En l’instance, le trafic de drogue opéré par le locataire a été jugé comme constituant une activité commerciale contrairement à la simple possession de drogue pour usage personnel et qu’il s’agissait d’une opération illicite, illégale et criminelle. La Cour conclut que les circonstances entourant le trafic de drogue opéré par le locataire étaient suffisantes pour conclure que ce dernier exerçait une activité qui a changé la destination de son logement justifiant la résiliation du bail.

La Régie du logement a suivi les mêmes principes. Pour obtenir la résiliation du bail en raison de la consommation de cannabis, par exemple, le locateur devra prouver des inconvénients reliés à cette situation, soit des plaintes des autres locataires, le bruit excessif causé par le va-et-vient résultant d’un trafic possible ou des comportements inappropriés ou dérangeants du locataire ou des personnes à qui il donne accès à son logement en relation avec la consommation de substances illégales.(2)

À titre d’exemple, le fils de 22 ans de la locataire qui donnait accès à d’autres visiteurs troublant la jouissance paisible des lieux et affectant la sécurité du locateur, de sa concierge et des autres locataires a conduit la Régie du logement à résilier le bail malgré l’occupation des lieux par la locataire depuis 22 ans.(3)

Malgré tout, la preuve qu’une odeur de cannabis avait été sentie à une occasion par un locateur qui était policier et qui ne souhaitait d’aucune façon que de la consommation de drogues se fasse dans son immeuble n’a pas été jugée suffisante pour obtenir la résiliation en l’absence de preuve d’autres inconvénients.(4)

Le locateur a donc intérêt à préparer adéquatement son dossier pour prouver le préjudice qu’il subit à cause de la consommation ou du trafic de drogue.

(1) 2003 CAnLII 26215 (QCCQ)
(2) Dion c. Gauthier, R.L. 10-081009-002G
(3) Lussier c. Legrand, R.L. 31-070628-088
(4) Laverdière c. Duck, R.L. 28-070112-007 G

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